Méthodes de travail de base et organisation populaire

Chapitre 8 Le travail de base et la portée de la méthode

Par Ademar Bogo

Mise en page : Secrétariat National MST
Commandes : Secrétariat national – secteur de la formation secgeral@mst.org.br
1ère édition – octobre 2009

Traduction finalisée en français en février 2023
par A l i c e  G r i n a n d  et  Y a n n  L e  B o u l a i r e

Texte d’Ademar Bogo, rédigé en septembre 2000, dans le but d’approfondir la formation des dirigeant-e-s du MST

1. MÉTHODE : définition

La méthode est la capacité de mettre au bon endroit les éléments qui constituent cette méthode et de déterminer les exigences nécessaires à la construction du chemin qui nous mène à une fin déterminée. Cette fin peut être comprise comme un objectif immédiat ou à long terme. Nous pouvons également les appeler des objectifs tactiques et des objectifs stratégiques.

La méthode ne peut exister qu’en fonction d’un objectif. Une fois que vous avez l’objectif, vous devez nécessairement trouver une méthode pour l’atteindre. Par conséquent, plus l’objectif est clair, plus il est facile d’élaborer la méthode.

En ce sens, il n’y a pas de méthodes objectivement bonnes ou mauvaises, car la méthode n’est pas un dogme qui ne change jamais. Les éléments de la méthode sont toujours modifiés et certains sont adaptés en fonction de chaque objectif. En d’autres termes, les éléments sont structurés à partir de contradictions concrètes. Les facteurs qui composent la structure de la méthode sont des références telles que : l’analyse, la prise de décision, la définition des moyens à mettre en œuvre, la répartition des tâches, l’évaluation. Ces facteurs qui constituent la structure de la méthode varient moins que les exigences organisationnelles nécessaires à la mise en œuvre de la méthode.

Dans une organisation en fonctionnement, les grands objectifs sont généralement définis par les orientations politiques élaborées dans les rencontres et les réunions, de sorte qu’on ne part jamais de rien. Les actions deviennent les objectifs tactiques à atteindre, les éléments doivent donc être recherchés dans chaque situation concrète, avec un détail plus ou moins grand selon le caractère de l’action envisagée.

Nous pourrions alors dire que la méthode est composée de deux lignes directrices de base et de deux axes qui soutiennent son application.

 

1.1 – Les lignes directrices

a) Politique idéologique – Cela implique de définir la classe[1] et de clarifier la direction à prendre. En effet, la méthode a pour objectif de nous amener à un endroit déterminé ou à un endroit prévu idéologiquement dans la planification. L’idéologie nous permet de faire une bonne analyse et indique la voie à suivre pour atteindre l’objectif fixé.

b) Technique organisationnelle – Aucune méthode ne peut être abstraite, elle doit être profondément concrète dans ses fonctions techniques et sa pratique organisationnelle. Les méthodes ne se développent et ne prouvent leur efficacité que dans la mesure où elles sont appliquées à une réalité donnée afin de la transformer. Et ce, en fonction de la vision anticipée que l’on a de l’objectif à atteindre.

 

1.2 – Les deux axes

Les deux axes peuvent être compris comme les soutiens qui « meuvent » les éléments qui composent la méthode. Ce sont :

a) Les éléments structurants

Il s’agit des éléments constitutifs de la méthode qui, lorsqu’ils sont alignés, en forment la structure, tels que : l’étude du problème, la maîtrise de la réalité en faveur et contre l’objectif, les décisions politiques de ce qu’il faut faire, la définition des objectifs, l’établissement des buts, l’analyse des conséquences, le suivi permanent des avancées, le plan et le plan de secours, les évaluations, etc.

b) Les exigences organisationnelles

C’est la partie d’exécution concrète de la méthode. C’est ce qu’il est fondamental de préparer avant d’entamer la première étape. Imaginez ce que devraient être les exigences organisationnelles pour qu’un avion puisse décoller. Les éléments structurants sont ceux qui permettent à l’avion d’aller vers la piste et le plan de vol. Les exigences organisationnelles sont ce qui garantira les bonnes performances de l’avion sur sa route.

Lors de la vérification faite par les pilotes avant le vol, s’iels remarquent qu’un élément fondamental n’a pas été fourni, iels ne pourront pas décoller. Par exemple, le carburant mis dans le réservoir avant de se rendre sur la piste constitue une exigence fondamentale.

Il est vrai que dans la lutte des classes, les choses sont un peu plus compliquées et dynamiques que le vol d’un avion et quand bien même beaucoup de choses peuvent être arrangées en cours de route, les risques de subir une défaite parce que l’action n’a pas été bien préparée sont très grands.

 

[1] NdT : « Classe sociale »

2. LA MÉTHODE DANS LE MOUVEMENT DES CONTRADICTIONS

Toutes les choses bougent. On pourrait dire qu’il y a deux mouvements, un externe et un interne. Par exemple, lorsqu’une pierre roule, son mouvement extérieur est perçu. Lorsqu’elle vieillit et se détériore, c’est le mouvement interne. Il en va de même dans la lutte politique. Examinons-en certains aspects :

 

2.1. La dialectique comme mouvement

La dialectique est l’ensemble des contradictions qui forment le mouvement interne qui existe en toute chose. Rien n’est statique et tout est lié.

Prenons comme référence une action qui vise à atteindre un objectif déterminé, à savoir sensibiliser la société sur la réforme agraire, comme l’indique la ligne politique élaborée précédemment.

Les éléments structurants centraux de cette action pourraient être les suivants : analyse de la réalité agraire et des forces alliées et ennemies ; vérification du contexte politique ; définition de l’objectif (sensibiliser la société). La décision est d’organiser une marche. C’est à ce moment-là que l’on définit le caractère de la marche, le but à atteindre, l’itinéraire à suivre et les activités à développer en cours de route.

Ces éléments structurants peuvent être diversifiés, en fonction du type et du caractère de l’activité à développer. Fondamentalement, ce sera du caractère de cette activité que dépendront les autres tâches à effectuer.

Les exigences organisationnelles peuvent d’abord être les aspects correspondant à la préparation de la marche, tels que : la création d’outils de coordination et d’équipes qui s’occuperont de : la préparation de la base, la recherche de nourriture, la sécurité, l’infrastructure, la communication, la recherche de soutien, le marquage des points d’arrêt, la sonorisation, les premiers secours, les drapeaux, etc. En d’autres termes, il faut assurer tout ce qui est indispensable pour que la marche puisse démarrer.

Mais la réalité politique change plus rapidement que la réalité matérielle, il est donc nécessaire de prêter attention aux transformations qui auront lieu dans le temps et dans le scénario où les actions se dérouleront.

Lorsque nous commencerons la préparation de la marche, nous verrons apparaître des problèmes qui n’avaient pas été prévus. Ce sont de nouvelles exigences organisationnelles que le mouvement interne des contradictions a fait apparaître, qui ne pouvaient pas être perçues auparavant.

Nous pouvons citer comme exemple l’arrestation de certain-e-s coordinateur-trice-s. L’une des exigences sera d’engager des avocat-e-s et d’organiser des manifestations contre les violences policières. Mais tout cela ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif initial de la tenue de la marche.

Les exigences organisationnelles garantissent en amont l’efficacité de l’action, il faut donc anticiper leur préparation. Chaque tâche assumée par chaque équipe ou activiste doit être achevée au moment prévu.

La répartition correcte des tâches et leur vérification permanente, en plus de permettre l’implication de nombreuses personnes en lutte par la prise de responsabilités, permettent de décentraliser les décisions et aident à la formation de nouveau-elle-s leader-euse-s.

 

2.2. Mouvement interne et nouvelles tâches

Au sein de chaque exigence, comme nous l’avons vu, il existe un mouvement interne qui donne lieu à de nouvelles tâches, qui n’étaient pas prévues. Prenons comme référence l’exigence de « propagande ». Lors de la planification de l’équipe, il n’était pas prévu que la marche recevrait l’hommage du conseil municipal d’une certaine municipalité, car cette initiative a été impulsée par la marche elle-même. L’exigence de propagande n’a pas été épuisée lors de la planification préalable, de nouvelles tâches sont apparues et davantage de militant-e-s ont dû être impliquées. L’intelligence politique amène à interpréter les nouvelles possibilités qui se présentent. Elles élargissent la portée de l’action.

De même, les éléments structurants subissent des modifications au cours de l’exécution des activités, en fonction des changements de conjoncture, d’environnement, de rapports de force, etc. Nous devons donc poursuivre et prêter attention à tous les autres aspects.

 

2.3. Extension de la zone impactée par l’action

L’objectif étant atteint au fur et à mesure de la mise en œuvre de la méthode, il faut être attentif aux autres possibilités qui apparaissent en cours de route, qui peuvent atteindre d’autres espaces qui n’étaient pas prévus. Ainsi, l’objectif de « sensibiliser la société à la réforme agraire », ou tout autre objectif établi, pourrait être amplifié dans la mesure où les circonstances ne peuvent être prévues avant que les conditions ne se présentent. Il existe des cas typiques où les marches des Sans Terre et la Consultation populaire[1] ont éveillé les gens à leurs droits, comme le logement, par exemple, et pour cette raison ils ont décidé d’occuper une zone urbaine pour avoir un endroit où construire leurs maisons. Dans ce cas, l’objectif principal a été augmenté et est allé au-delà de la sensibilisation, il a promu et encouragé des actions concrètes. Cela signifie que la zone impactée par l’action a été étendue sans que cela ait été prévu. Les nouveaux défis vont alors porter sur comment mettre en œuvre ces initiatives et les renforcer.

Il est important de toujours s’interroger sur les différents aspects possibles : quelle portée peut avoir cette action ? Quelles réactions ces actions peuvent-elles provoquer ?

En fonction du caractère de l’action, des objectifs et de l’environnement auxquels elle se rapporte, il est facile de découvrir de nouveaux domaines d’action tels que : l’éveil de nouvelles luttes, l’élargissement des alliances, l’élévation du niveau de conscience de la société, le renforcement des mobilisations locales ; bref, nous pouvons établir de nouveaux objectifs quant à la portée que cette action peut déployer.

 

2.4. Des blocages qui apparaissent

Ce ne sont pas seulement les facilités que le mouvement des contradictions révèle, mais aussi les difficultés qui en découlent.

Dans le développement des actions, par la logique de leur propre mouvement interne, des blocages apparaîtront, issus du mouvement contradictoire des forces elles-mêmes. Les blocages sont des obstacles que les forces adverses placent sur le chemin pour entraver et empêcher le succès des actions.

En reprenant l’exemple de la marche, nous pouvons considérer comme un blocage le fait que les stations de radio locales n’acceptent pas de diffuser l’information, ou que des campagnes de dissuasion soient menées afin de décourager tout type de soutien, que ce soir par la participation à la marche ou la préparation de la nourriture.

En tenant compte du type et du caractère de chaque blocage, il faut établir un moyen de déblocage afin que l’action ait la portée prévue.

Cela ne sera possible que si les éléments structurants d’analyse et de maîtrise de la réalité restent présents dans le cours de l’action, comme les deux essieux d’une voiture, qui sont toujours là où se trouve la voiture. En effet, il est normal, dans le feu de l’action, de ne penser qu’aux choses pratiques et de moins penser à l’analyse et à l’évaluation.

Dans chaque coin, il y a un allié, mais aussi un ennemi. Tout comme il y a des gens qui soutiennent, il y a aussi celleux qui s’opposent. Les personnes en lutte triomphent plus facilement lorsque les blocages cessent d’être une surprise.

 

2.5. De nouvelles perspectives s’ouvrent

Ce mouvement interne existe dans chaque action et ouvre toujours de nouvelles perspectives, tant positives que négatives. Si l’on n’est pas capable d’interpréter correctement les perspectives qui s’ouvrent à nous, on peut arriver à l’épuisement de l’action, en manquant l’objectif. Petit à petit, on peut perdre ses forces et se retrouver sans rien. Dans ce cas, le mouvement régressif est plus fort que le mouvement progressif.

L’accomplissement d’une action devrait susciter une pléthore d’autres actions, tant en interne que dans la sphère d’influence externe.

Les objectifs, parce qu’ils ont ce dynamisme interne, ont aussi des caractéristiques utopiques que nous n’atteignons jamais complètement, mais ils nous encouragent à aller de l’avant.

Il est possible de prévoir la fin des actions lorsque la période de lutte est établie. Cependant, le mouvement qui n’établit pas de fin mais voit dans chaque point d’étape un nouveau départ pour d’autres actions, gagne toujours plus de force.

Plus un mouvement se referme sur lui-même, moins il perçoit de perspectives de progrès. C’est la somme des forces alliées, et non leur division, qui affaiblit l’ennemi.

 

[1]NdT. : Consulta Popular en brésilien. Mouvement politique d’influence socialiste fondé en 1997 par des militant-e-s de mouvements populaires brésiliens, proche du PT et du MST.

3. LES DÉRIVES POLITIQUES QUI CONDUISENT À LA DÉFAITE

Dans les actions concrètes, nous avons généralement tendance à nous attacher aux détails et à oublier l’ensemble, surtout lorsqu’il s’agit de la réalité extérieure. Cela peut conduire un combat qui aurait pu être victorieux à la défaite, précisément parce que les choses évoluent et reculent en permanence dans leur mouvement interne. Le-a gagnant-e est celui qui peut interpréter et réorienter la tactique à tout moment. Examinons quelques négligences et dérives qui mènent à la défaite.

 

3.1. Confondre instrument et objectif

La méthode et l’organisation sont les instruments dont on dispose pour atteindre l’objectif fixé. Lorsque l’on veut construire l’instrument en lui subordonnant l’objectif, l’instrument sera inutile et l’objectif ne sera pas atteint.

Il est nécessaire d’avoir un instrument solide pour atteindre un objectif stratégique. Mais l’objectif à atteindre doit toujours être au-dessus de l’instrument. L’instrument, en tant qu’outil, peut être dépassé, étendu ou remplacé en cours de route, tandis que l’objectif demeure.

De nombreux partis politiques se sont égarés et ont échoué dans l’histoire politique mondiale parce que l’objectif était de construire, de renforcer et de donner une visibilité à l’instrument et non d’atteindre l’objectif politique. En raison de ces erreurs, ils n’ont accompli ni l’un, ni l’autre.

Autant l’objectif que l’instrument doivent servir de références. L’objectif en tant que référence future et l’instrument en tant que référence immédiate à laquelle il faut se rapporter pour atteindre l’objectif stratégique. Sans cet instrument, les gens se rendront compte qu’ils ne pourront jamais arriver là où ils pensaient arriver.

Ce problème se résume donc à ceci : nous avons un objectif à atteindre, il nous faut maintenant un instrument pour nous y conduire. L’instrument peut être une équipe, une section, un mouvement, un parti, un front, une armée, ou tou-te-s réunis dans une même intention.

 

3.2. Dogmatiser les formes d’organisation

Les formes d’organisation sont généralement le résultat des conceptions idéologiques que nous avons. Si les conceptions sont dogmatiques, les formes d’organisation le seront aussi et ni les unes ni les autres n’évolueront.

Le matérialisme historique est : mouvement, développement, création permanente, il ne peut donc pas être transformé en dogme. Tout évolue, y compris les conceptions idéologiques, qui, pour rester vivantes, doivent assimiler les avancées que leur procure le mouvement des contradictions.

Le dogmatisme est équivalent à une personne âgée qui a appris un type de danse dans sa jeunesse. Quand elle voit les jeunes danser aujourd’hui, elle les critique. Pour ne pas avoir suivi le développement de l’innovation des rythmes, elle pense que tous les jeunes ont tort.

Les formes d’organisation et les méthodes de travail de base sont comme des graines qui ne germent qu’en fonction du climat et du moment auquel elles sont plantées.

 

3.3. Confondre unité et uniformité

L’unité est atteinte lorsque les opinions sont respectées et soumises à la volonté de la majorité, c’est ce qu’on appelle le centralisme démocratique[1], où chacun-e peut présenter ses opinions et les débattre.

Lorsque la décision est prise, la volonté de la majorité doit prévaloir. Mais cela ne signifie pas que tout le monde doit penser de la même manière, ou que celles et ceux qui ont été vaincu-e-s doivent renier leurs idées. Ce serait du suicide et nous tomberions dans une dictature, car il se peut que sur certains aspects la minorité ait eu raison, mais le moment n’a pas permis que ces idées soient assimilées par la majorité. C’est pourquoi l’unité, c’est avoir le droit d’être en désaccord, sans entraver l’organisation des actions, en obéissant et en se soumettant toujours à la volonté de la majorité.

L’uniformité serait l’interdiction d’être en désaccord comme s’il n’y avait qu’une seule façon d’atteindre la vérité.

Parce que nous sommes humains, nous avons des idées, des opinions, des goûts, des désirs, des tempéraments, des émotions et des compétences différents. Dans le stratégique, donc, nous avons la rigidité dans l’unité ; dans les tactiques, nous avons la flexibilité, afin que chaque combattant-e éveille en elluila capacité de créer. Dans la lutte des classes, la créativité est l’arme principale pour vaincre les ennemis et cette lutte doit avoir de nombreuses formes combinées.

Si nous sommes uni-e-s autour des objectifs stratégiques, et si nous avons l’humilité de reconnaître que la volonté de la majorité décide, les désaccords existeront toujours, mais ils seront limités à des questions spécifiques que le temps permettra de surmonter rapidement.

 

3.4. Détacher la démocratie de l’organicité

Beaucoup exigent la démocratie jusqu’à ce qu’iels atteignent une certaine position au sein des autorités, et à partir de là, iels ne s’en soucient plus. D’autres sont simplement satisfait-e-s de la démocratie au sein des organes [de décision, NdT], car iels estiment que si les dirigeant-e-s participent, les bases sont représentées.

Se préoccuper de la démocratie et non de l’organicité, c’est être anti-démocratique par nature, car l’organicité est l’élément fondamental pour que les bases puissent participer, en donnant leur avis, afin que les instances aient plus d’éléments pour décider de questions plus petites, et que les bases puissent contribuer à la mise en œuvre des décisions transmises par les instances.

L’organicité est donc la relation qu’une partie d’une même organisation doit entretenir avec une autre. Bien que les tâches soient différentes, les parties ont la même importance, car sans elles, la responsabilité des tâches retombe sur seulement certaines d’entre elles. Si l’on demande aux pneus arrières d’un camion, lequel est le plus important, le pneu interne ou externe, la réponse serait ni l’un ni l’autre. Si l’un d’eux se dégonfle, le poids doublera sur l’autre, qui pourrait éclater et interrompre ainsi le voyage.

 

3.5. Effectuer le mouvement en « ligne droite »

Chaque mouvement de masse dans l’histoire de l’humanité est passé par des vagues. C’est-à-dire qu’après de longues périodes de lutte et de confrontation, les masses se retirent comme pour récupérer leurs forces. Cela ne signifie pas qu’elles abandonnent la lutte, elles demandent du temps pour respirer, pour regarder en avant et pour reprendre la lutte avec plus de force et de détermination. Ne pas comprendre ce dynamisme dans le mouvement de masse conduit l’organisation à l’échec.

Il faut savoir quand s’ouvrent de nouvelles perspectives de lutte, quelle est l’humeur des masses, pour ne pas se laisser emporter et s’isoler par leur découragement ou leur fatigue.

S’il faut lutter jusqu’au bout pour atteindre ses objectifs, il faut savoir élaborer des tactiques et combiner les formes de lutte. Pour se développer, il est essentiel de savoir combiner les deux mouvements : avant et arrière.

 

3.6. Le principe du leadership collectif sans préparation intellectuelle

Tout leadership démocratique doit fonctionner de manière collective. Mais le leadership, pour être collectif, doit avoir la maîtrise des connaissances et un niveau élevé de conscience politique. Lorsqu’un-e seul-e maîtrise la connaissance, iel concentrera aussi le pouvoir entre ses mains, car « le savoir, c’est le pouvoir ».

En d’autres termes, une organisation qui, au lieu de former [les membres de, NdT] ses instances, ne forme qu’un-e ou quelques dirigeant-e-s, court le risque d’être détruite par le subjectivisme, l’opportunisme ou la répression. Les idéaux révolutionnaires ne peuvent dépendre d’une seule personne pour être défendus et réalisés. Tout doit être une œuvre collective même si parfois les compétences individuelles sont mises en avant.

Former des cadres signifie incorporer des combattant-e-s à tous les niveaux. Diriger, c’est prendre des décisions, c’est pourquoi il est presque impossible de former des cadres hors des espaces où les décisions sont prises.

La préparation intellectuelle vient par les savoirs. Peu importe comment la connaissance nous parvient, ce qui compte c’est que nous l’assimilions. Tout-e leader-euse doit être autodidacte, ou didacte de lui-même. Chercher la connaissance par ellui-même. C’est pourquoi la lecture que fait un-e dirigeant-e est différente de celle que font les étudiant-e-s universitaires. Le-a leader-euse étudie ce que les problèmes exigent, parce que la preuve qu’il doit fournir réside dans la construction de l’histoire. S’iel échoue, ses partisan-ne-s perdront une année de leurs temps et peut-être même leur vie.

 

3.7. La discipline en tant que simple obéissance aux règles

Toute organisation doit avoir des règles, des statuts, etc., qui sont des critères établis par l’ensemble de l’organisation pour être observés par tou-te-s. Mais se conformer à des normes pour prouver que l' »institution » fonctionne est un crime contre la conscience et la créativité de ses combattant-e-s. Il en va de même lorsque les normes sont suivies par crainte d’une punition ou d’une sanction.

Le respect des normes doit être consciencieux. Cellui qui s’y conforme a intégré l’objectif à atteindre par l’organisation comme le sien, iel ne se plaint donc pas du sacrifice ni de l’effort supplémentaire et volontaire qu’iel doit fournir.

La différence entre une organisation révolutionnaire et une secte réside fondamentalement dans l’aspect de faire d’une manière consciente d’une part, et de faire d’une manière endoctrinée d’autre part. La première est dialectique, la seconde sectaire.

Pour parvenir à une discipline consciente, il faut œuvrer à la formation de la conscience. Une discipline dans ce sens garantira le principe d’unité. Agir parce que l’on croit est différent de faire pour remplir une obligation. Après avoir acquis la conscience de la discipline, il n’est pas difficile pour un-e combattant-e du peuple de maintenir cette discipline. Dès lors, iel le fait naturellement, car cela fait déjà partie de son caractère. Il est difficile dans ce cas de cesser d’être discipliné. Le plus grand souci est de ne pas échouer, de ne pas oublier l’engagement et d’avoir toujours en tête le compte à rebours du temps qu’il reste pour réaliser l’action.

La discipline renforce également la conviction de respect et d’engagement envers les autres membres de l’organisation et de la société.

 

3.8. Ignorer les valeurs culturelles de la population

Il existe de nombreux principes scientifiques correctement appliqués dans la réalité. Il y a des vérités déjà découvertes dans les interactions sociales dont il est inutile de discuter si elles sont correctes ou non, et il y a des valeurs culturelles d’un peuple ou simplement de groupes sociaux qui, bien qu’elles paraissent « enfantines », survivent au fil du temps.

Le matérialisme dialectique et historique n’est rien d’autre que la science de l’histoire en développement. Cela signifie que le marxisme est une science inépuisable qui se « nourrit » de la réalité elle-même pour se développer.

Vu sous cet angle, la connaissance ne sera vraie que si elle part toujours de la réalité, en cherchant à en extraire les éléments nécessaires à sa propre transformation. Par conséquent, la condition objective de la réalité n’est pas seulement la partie du développement des forces matérielles, car même les éléments subjectifs deviennent objectifs lorsque la transformation de la réalité dépend d’eux. C’est pourquoi le matérialisme n’est pas synonyme de suppression de la culture, de la religion, de l’art, de la langue et des coutumes. Tous ces éléments font partie de la vie objective de la société, ils seront réunis dans le processus de transformation.

Au fil du temps, des aspects scientifiques pourront être ajoutés, mais cela ne pourra se faire qu’en élevant le niveau de conscience de la société.

Dans le travail de base, il est fondamental de comprendre ce en quoi les gens croient et pourquoi ils y croient. Respectez leurs symboles, leurs croyances, leurs valeurs et cherchez par la réflexion à leur donner un nouveau contenu.

 

3.9. Utiliser un langage malveillant et « préjudiciable »

Il y a des gens qui, pour essayer d’être modernes, utilisent un langage qui donne lieu à des préjugés.

En général, la classe ouvrière a un raisonnement associatif dans lequel elle construit des images à travers les mots prononcés. Si le langage est direct mais empreint de préjugés, les gens ont tendance à caricaturer ou à se mettre en retrait, et cela limite la participation.

La langue a des figures et suit généralement une logique de sujet, de temps et de lieu. L’exemple le plus typique est le genre de musique qui modifie l’attitude des gens lorsqu’ils l’écoutent. Si la musique est romantique, elle conduit à un comportement mélancolique, si elle est émotionnelle, elle conduit à un comportement plus agité. Ou nous pouvons prendre comme référence la musique country où le fermier se tait pour écouter l’histoire que la musique raconte. À titre d’exemple, nous pouvons utiliser les paroles de la chanson « Chico Mineiro ». -Nous avons fait le dernier voyage » (sujet : « nous ». Temps « dernier ») « C’était là dans l’arrière-pays de Goiás » (Lieu : « arrière-pays de Goiás ») et ainsi de suite. Ignorer la question de la langue, c’est provoquer des problèmes. C’est faire violence à la culture des travailleurs et travailleuses et créer des résistances d’ordre relationnel entre elleux.

 

3.10. Ne pas savoir comment combiner l’activité de leadership avec l’action de masse

Il est fondamental d’éviter la logique d’assistanat dans le travail de masse, car cela a de graves conséquences pour l’avenir, tant en termes de fragilité de l’organisation que d’inhibition du développement de la conscience politique des travailleurs et travailleuses. La logique d’assistanat sert les leader-euse-s individualistes et est donc également néfaste pour renforcer la méthode démocratique et participative de leadership. C’est pourquoi, il ne faut jamais :

  • négocier pour les masses
  • résoudre les problèmes pour les masses
  • décider pour les masses
  • radicaliser les masses

Ce sont des moyens d’empêcher la croissance politique et idéologique de l’organisation, et de vouloir transformer le-a leader-euse en une figure plus importante que les instances et l’organisation elle-même.

 

[1]NdT : Le centralisme démocratique est une notion développée par Lénine qui peut se résumer en « liberté d’opinion » et « unité d’action », et qui devait, en théorie, s’appliquer aux organisations qui menaient la lutte des classes.

4. ÉLÉMENTS D'ANTICIPATION DES ACTIONS

Lorsque nous définissons une action, trois éléments sont fondamentaux et doivent nous guider pour maintenir la ligne politique sur la bonne voie. Pour ce faire, nous devons observer la relation entre :

 

4.1. Coordinateur-trice-s et coordonné-e-s

Quelle que soit l’activité de groupe ou de masse, il doit toujours exister une structure organisationnelle interne qui établit la fonction de chaque partie, ou plus précisément, que chacun-e connaisse « son rôle » au sein de chaque activité.

C’est cette structure qui établit certaines responsabilités pour que le plan soit réalisé.

C’est ainsi que s’établit une relation entre « coordinateur-trice-s et coordonné-e-s ». Même si le principe de la direction collective est établi, il sera toujours nécessaire d’avoir une structure interne qui distribue les fonctions telles que : coordination, secrétariat, animation, etc. Souvent, la tâche de coordination se trouve dans les caractéristiques de chaque individu. Par expérience, la parole de certaines personnes paraît avoir plus de force et se distingue donc toujours plus que celle des autres. C’est pourquoi, tout comme la sagesse, la tâche de coordination est un art que tout le monde ne maîtrise pas.

Dans cet art de la coordination, nous avons trois aspects fondamentaux :

1. Fixer des objectifs et guider leur réalisation

Les choses ne se produisent pas par la simple volonté des gens. À la volonté, il est nécessaire d’associer la planification. Mais la planification ne suffit pas, il faut savoir mettre les forces en mouvement pour que la planification se transforme en action. Pour déployer l’action, il est nécessaire d’avoir une orientation et un accompagnement permanent. Coordonner, c’est aider à planifier, orienter le plan et veiller à ce que les actions ne s’écartent pas de la ligne établie. Lorsque certaines étapes ont déjà été franchies, il est nécessaire de s’arrêter et d’évaluer le chemin déjà parcouru afin que chacun-e puisse voir ce qui a été fait. Cela donne confiance et encourage les forces en mouvement.

 

2. Élever le niveau de conscience

Il arrive que les difficultés augmentent, que la motivation diminue et que les gens perdent l’envie de continuer à se battre.

Comme nous avons dans les mêmes rangs, des coordonnateur-trice-s et des coordonné-e-s, il est nécessaire que les un-e-s et les autres voient les choses depuis la même perspective et commencent à avoir les mêmes préoccupations concernant les prochaines étapes. Des informations précises et des discussions collectives évitent les désaccords et les malentendus, ce qui garantit de pouvoir avancer en sécurité.

Le développement de la conscience est fondamental pour maintenir l’unité. Nous avons naturellement une conscience sociale formée par les interactions propres à la société, mais celle-ci s’épuise lorsque les problèmes à résoudre dépendent d’un débat politique. C’est à ce moment que la conscience politique devient nécessaire, ce qui se manifeste par des formes d’organisation, la définition de tactiques et de stratégies pour accomplir des transformations plus profondes, avec la participation de plus de personnes au-delà de la catégorie ou du groupe spécifique.

La capacité d’expliquer ce que nous faisons et pourquoi nous voulons arriver à un endroit déterminé signifie déjà que la conscience est en train d’acquérir un nouveau contenu ; cela fera passer l’individu de la catégorie de masse à celle de combattant-e du peuple, et iel sentira que le projet lui appartient. Iel souhaitera chaque fois davantage imprimer ses caractéristiques personnelles. C’est pourquoi nous disons que l’organisation est l’image et le reflet de ses coordinateur-trice-s.

 

3. Comprendre les limites et la résistance des gens

Toutes les personnes ont des qualités qui doivent être comprises afin d’être utilisées pour renforcer la lutte, et les placer à des endroits spécifiques. Mais les gens ont aussi des limites et des résistances. Souvent, on peut exiger un sacrifice parce qu’il n’y a pas d’autre solution, mais s’il y en a une autre, il n’est pas juste de sacrifier le peuple, il est nécessaire d’en avoir conscience. S’il est possible d’organiser une manifestation dans des conditions plus favorables aux participant-e-s, il ne faut pas se relâcher et le faire par n’importe quels moyens.

Il y a des combattant-e-s qui ont des difficultés personnelles et parfois iels prennent de la distance pour s’en occuper, donnant l’impression d’abandonner le combat. En réalité, ce qui se passe, c’est que la distance entre l’endroit où se trouve le-a combattant-e et celui où nous voulons qu’iel parvienne est si grande qu’iel ne peut supporter de laisser sa famille derrière ellui, c’est pour cela qu’iel préfère faire quelques pas en arrière pour rester avec les siens, plutôt que d’être en première ligne pour diriger les actions.

D’autres ont les compétences et le goût pour faire certaines activités, mais nous les plaçons dans des endroits inappropriés, alors iels n’ont pas l’impact qu’iels souhaiteraient, et iels se découragent.

Il y a des gens qui peuvent se battre un jour et ensuite vouloir rentrer chez eux. D’autres, une semaine ; d’autres un mois ; et il y a celles et ceux qui peuvent se battre tout le temps. La question n’est pas de savoir combien de temps on se bat directement, mais ce que chacun peut faire pour soutenir le combat en permanence. De cette façon, il y aura des combattant-e-s partout, car l’histoire ne se fait pas seulement en un seul lieu ou seulement sur la route où passent les marches.

Lorsque de nombreuses personnes sont en dehors de la lutte ou n’y contribuent pas, le problème ne vient pas des masses désorganisées, mais de celles et ceux qui n’ont pas encore appris à les motiver et à les organiser.

 

4.2. Une prise de conscience pour développer des actions

Il ne faut jamais le faire pour le plaisir de le faire. Nous devons être clairs sur nos raisons pour faire en conscience. Il est nécessaire de comprendre que les personnes qui sont prêtes à entrer dans la lutte sont plus que de simples êtres humains, qui se mettent en mouvement par leurs bras et leurs jambes. Iels ont aussi une tête et, surtout, des rêves, des espoirs et croient qu’iels seront des gagnant-e-s. C’est pourquoi iels recherchent dans l’action les conditions fondamentales pour atteindre ces objectifs.

La lutte sans objectif est un navire sans gouvernail. Nous devons extirper de nous-mêmes toute impulsion mesquine de radicalité sans fondement, afin d’éviter les sacrifices inutiles.

Nous trouvons dans l’Art de la guerre, le livre de Sun Tzu, de nombreuses directives pour la lutte, nous voulons ici mettre en évidence celle qui attire notre attention. « Les habiles guerriers d’autrefois découvraient d’abord la situation de leurs ennemis, puis élaboraient des plans pour les affronter. Le succès est garanti lorsque l’ennemi attaqué est dans cet état :

  • Des forces de combat fatiguées.
  • Des réserves épuisées.
  • Le peuple rempli de tristesse et d’amertume.
  • Beaucoup de gens malades.
  • Pas de planification pour l’avenir.
  • Des équipements en mauvais état.
  • Des soldats non entraînés.
  • Des renforts qui n’arrivent pas.
  • La nuit tombe alors qu’ils ont encore beaucoup de chemin à parcourir.
  • Les soldats sont épuisés.
  • Les généraux sont insolents et les officiers indifférents.
  • Ils oublient de se préparer.
  • Lorsqu’ils avancent, ils ne forment pas une ligne de bataille, celles-ci ne sont pas stables.
  • Ils sont indisciplinés lorsqu’ils se déplacent sur des terrains accidentés.
  • Il y a une discorde entre les combattants et les soldats.
  • Ils deviennent arrogants quand ils gagnent une bataille.
  • Il y a du désordre dans les rangs quand leurs lignes de bataille se déplacent.
  • Les soldats sont fatigués et sujets à des disputes.
  • L’armée reçoit des provisions, mais le peuple ne mange pas.
  • Chaque homme avance de son côté – certains vont devant, d’autres derrière… »

Nous devons donc connaître en profondeur l’état de nos forces et de celles de l’ennemi afin de pouvoir élaborer des actions qui gaspillent moins d’efforts et évitent les sacrifices au-delà de ce qui est nécessaire.

 

4.3. Esprit de continuité

Avoir la capacité de se rendre compte que ce mouvement interne, qui existe en toute chose, demeure et se nourrit du lien avec l’histoire dans la quête de la construction de l’avenir. Il y a une infinité de générations précédentes qui sont présentes à travers les personnes organisées.

Chaque acte est le résultat d’un mouvement complexe qui a commencé il y a longtemps et qui tend à continuer à se reproduire sous différentes formes.

Cet art de combiner les forces et de tirer parti des différentes contradictions pour leur donner une plus grande qualité, s’inscrit dans l’esprit de continuité de la construction de l’histoire elle-même.

 

5. L'ART DE DIRIGER EFFICACEMENT

Diriger, c’est savoir combiner les différents moyens en les plaçant au bon moment au service des objectifs fixés. Cet art doit prendre en compte les différents aspects de la réalité.

 

5.1. Saisir les opportunités

Il y a des conditions qui, à certains moments, ne nous permettent pas d’agir et nous devons nous retirer. À d’autres moments, parce que les conditions données sont bonnes, il faut agir plus rapidement pour ne pas rater l’occasion.

Les anciens sages disaient que « vouloir vaincre les intelligents par la bêtise est contraire à l’ordre naturel des choses. Vaincre les insensé-e-s par l’intelligence est dans l’ordre naturel des choses. Cependant, vaincre l’intelligence par l’intelligence est une question d’opportunité ». Ils soulignent qu’il existe trois voies vers l’opportunité : les événements, les tendances et les conditions.

    • Événements – Lorsque des opportunités se présentent à travers des événements, mais que nous n’arrivons pas à en profiter, nous manquons d’Intelligence.
    • Tendances – Lorsque des opportunités se présentent grâce aux tendances, mais que nous ne faisons pas de plans, nous manquons de Sagesse.
    • Conditions – Lorsque des opportunités se présentent grâce aux conditions, mais que nous n’agissons pas, nous manquons d’Audace.
    • Intelligence, sagesse et audace résument la tâche de diriger en saisissant les opportunités que la réalité nous offre.

 

5.2. Connaître suffisamment les gens

Les gens réagissent de manières différentes à des stimulus spécifiques. Les apparences sont parfois trompeuses. Il y a des gens qui semblent être très respectueux, mais qui, au fond, ont un tempérament agressif. Tournons-nous à nouveau vers les sages, qui pensaient que, parmi toutes les tâches, la plus ardue était celle de comprendre les gens. Sun Tzu a systématisé en sept points les lignes directrices à prendre en compte pour connaître les gens.

1 – Posez-leur des questions sur ce qui est bien ou mal pour observer leurs idées.

2 – Épuisez tous leurs arguments pour voir comment iels réagissent.

3 – Consultez-les sur les stratégies pour voir s’iels sont perspicaces.

4 – Annoncer qu’il y a des problèmes pour voir s’iels sont courageux-se-s.

5 – Faites-les boire pour observer leur nature.

6 – Présentez-leur des perspectives de gains pour voir s’iels sont cupides.

7 – Assignez des tâches à accomplir avant une certaine date, pour voir si on peut leur faire confiance.

En tout état de cause, ces questions servent de fil conducteur, en cas de doute sur quelqu’un, surtout en ce moment historique où les infiltrations par les services de renseignement officiels se multiplient.

 

5.3. Former les militant-e-s

« Faire partir des soldats au combat sans les entraîner revient à les abandonner. » « Enseignez aux gens ordinaires pendant sept ans et ils pourront eux aussi partir à la guerre », disait Mao Zedong. En d’autres termes, il faut consacrer du temps à la préparation des cadres et des combattant-e-s du peuple.

Diriger, c’est former les militant-e-s pour qu’iels soient capables de développer parfaitement des activités sans commettre de graves erreurs.

Nous devons avoir la capacité, en même temps que nous multiplions les connaissances, de multiplier les militant-e-s qui peuvent assumer diverses tâches pour renforcer l’organisation.

 

5.4. Une connaissance approfondie de la réalité

Toute bonne direction doit être menée par les masses, pour les masses. Mais cette masse se trouve dans un espace géographique et temporel déterminé. Il est nécessaire de connaître les chemins que l’on emprunte et les difficultés que l’on va rencontrer en avançant.

Il ne suffit pas de se fier uniquement aux conditions objectives et subjectives. La réalité est un enchevêtrement de conditions et de surprises qui présente à chaque instant de nouvelles contradictions. En outre, il existe d’autres facteurs difficiles à mesurer tels que : la volonté, l’intérêt, le degré de révolte, la persévérance, etc. Il y a des personnes démotivées qu’un simple discours d’un-e leader-euse peut encourager à se battre. Il y en a d’autres qui sont en lutte mais qui ont peu de persévérance, ce qui peut induire les dirigeant-e-s en erreur.

Les tactiques doivent être déterminées en fonction des nouvelles conditions qui se présentent. En politique, il ne faut pas prendre en compte la simple existence de différentes classes [sociales, NdT], mais fondamentalement, la disposition de ces classes à lutter pour des intérêts de classe spécifiques.

 

5.5. Savoir occuper les espaces

Dans l’histoire, en même temps que l’on ferme des espaces, on en ouvre d’autres. C’est parce qu’en politique, il n’y a pas d’espaces vides. Dans la vie politique de la société, il est important de savoir comment occuper – dans tous les sens du terme – les espaces. Il faut toujours garder à l’esprit que les personnes sont au centre de tout ce qui est fait ; ce qui ne sert pas tout le monde n’est pas une bonne invention, à moins qu’elle n’ait un caractère de classe qui serve la majorité.

Il y a des espaces à occuper dans toutes les dimensions. Plus les espaces sont occupés, plus l’organisation s’étend.

La méthode de direction consiste à percevoir les espaces à occuper et à orienter les bases pour qu’elles les occupent.

Pour ce faire, il est essentiel de développer dans la théorie de l’organisation de chaque domaine ce que signifie cet espace et de définir les objectifs à atteindre. Grâce à cette élaboration théorique, le chemin à suivre est clarifié et éclairé.

La théorie des organisations doit prendre en compte tous les aspects de la vie politique, sociale et humaine. Chaque être humain porte en lui des désirs, des passions et des attentes. L’organisation politique et sociale doit correspondre à tout cela pour que les personnes qui participent se sentent bien et aient envie de continuer ensemble la construction du projet.

Pour conclure, nous pourrions dire que la méthode est la compétence de planifier l’occupation des espaces politiques que les opportunités permettent.

Ne pas les occuper, c’est passer à côté des opportunités que l’histoire offre, et il faut parfois beaucoup de temps pour créer les mêmes conditions propices à la transformation. C’est pourquoi les révolutions ne se produisent pas tous les jours. Il y a celles qui réussissent, nous le savons parce que nous les voyons réussir. Il y a celles qui sont vaincues, car elles ne sont pas nées au moment opportun, et il y a celles que nous ne voyons jamais, car elles ont raté l’occasion historique de se lancer, ou cette occasion ne s’est pas encore présentée. Diriger avec attention est la bonne façon de percevoir les opportunités, elles sont toujours au bord du chemin que nous construisons à travers la méthode d’organisation des masses.

La méthode est formulée à partir des conditions que présente la réalité. On ne peut pas aller partout avec la même méthode. Une méthode est seulement un instrument qui fonctionne comme n’importe quel autre. Cela fonctionne pour certaines activités, mais pas pour d’autres. Par conséquent, la principale qualité d’un-e leader-euse est de formuler des méthodes de travail.

Le dogmatisme et le sectarisme ne peuvent pas faire partie d’une pratique révolutionnaire, car ils cherchent à répéter les mêmes choses encore et encore sans remarquer les changements, en faisant croire aux gens qu’ils sont les seules vérités existantes, et ils chassent quiconque pense différemment.

De même, le personnalisme, qui ne croit qu’en lui-même, en négligeant les autres membres de l’organisation, conduira cette organisation à la défaite quelle que soit la capacité de cet être humain, car les principes et les connaissances révolutionnaires sont un patrimoine collectif et ne peuvent se développer que s’ils sont élaborés et appliqués collectivement.

C’est à chacun-e de faire sa part, mais cela ne fait pas de mal d’aider celles et ceux qui ont plus de difficultés, car il s’agit de la même organisation.

Le succès n’est que la conséquence de l’efficacité du travail de base et de la méthode de direction. 

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