Chapitre 13 La Mystique : une partie de la vie et de la lutte
Mise en page : Secrétariat National MST
Commandes : Secrétariat national – secteur de la formation secgeral@mst.org.br
1ère édition – octobre 2009
Traduction finalisée en français en février 2023
par A l i c e G r i n a n d et Y a n n L e B o u l a i r e
Texte d’Ademar Bogo. Préparé en avril 2008 à l’occasion de la Vème Assemblée Internationale de La Via Campesina qui s’est tenue à Maputo, Mozambique
Ces derniers temps, les mouvements sociaux ont commencé à utiliser le mot mystique comme synonyme de divertissement. Beaucoup considèrent même la mystique comme une session à part au sein de l’activité politique, comme s’il ne s’agissait que d’un moment de mise en scène et rien de plus ; ce ne serait qu’ensuite que la réunion pourrait se consacrer aux sujets « sérieux ».
Mais la mystique est bien plus que cela. C’est la motivation qui nous fait vivre la cause jusqu’au bout. C’est l’énergie que nous avons lorsqu’on ne peut pas dire non quand on nous demande de l’aide. C’est la volonté d’être partout en même temps, de vouloir aider et d’accomplir des choses qui mènent la lutte jusqu’à la victoire.
Mais alors, cette présentation que nous faisons au début des réunions n’est-elle pas mystique ? Elle l’est aussi. Les personnes impliquées dans la préparation veulent exprimer, à travers un message, les raisons pour lesquelles nous nous battons, en créant, de manière imaginaire, le monde que nous voulons atteindre, afin que les personnes présentes le voient et soient encouragées à aider à construire cette idée, ce rêve.
C’est pourquoi la mystique est fondamentale pour la vie et pour la lutte. Sans mystique dans la vie quotidienne, nous perdons la joie, la vivacité, l’intérêt et la motivation de vivre. Sans mystique dans la lutte, nous perdons la volonté, la combativité, la créativité et l’amour de la cause.
En ce sens, la mystique s’exprime de nombreuses manières. Chaque militant-e donne d’ellui-même ce qu’il possède comme charisme, talents ou capacités, coopérant et s’offrant comme éléments centraux du programme, en constituant la partie physique et mentale de la tactique et de la stratégie du programme.
Chacun-e à sa manière, iels proposent de remplir des tâches qui n’étaient pas toujours prévues. C’est ce qui se passe lorsqu’une équipe s’apprête à cuisiner pour une réunion. D’autres se consacrent à l’amélioration et à la décoration de l’environnement. Un troisième groupe s’occupe de l’agenda. Un autre groupe s’occupe de la sécurité. D’autres préparent la cérémonie d’ouverture et la rencontre devient ainsi une grande fête, une célébration d’êtres humains qui se donnent rendez-vous pour réfléchir à ce qu’il faut faire de leur vie et de celle de tant d’autres êtres et espèces.
Dans ce court texte, nous allons approfondir le sujet de la mystique afin que nous puissions en avoir la même compréhension et que nous puissions valoriser son importante contribution à la transformation de la réalité, pour cela nous pouvons dire que, pour que la lutte soit victorieuse, nous avons besoin de : force, d’idées et de mystique.
1. CE QUE SIGNIFIE LA MYSTIQUE
Le mot mystique est la représentation du mystère. Le mot « mystère » est généralement utilisé pour désigner des choses inexplicables ou indéchiffrables, mais dans ce cas, il n’en est rien. Pour la mystique, le seul mystère est de connaître la raison pour laquelle, dans la lutte, des choses extraordinaires se produisent. Pourquoi l’être humain a-t-il la capacité d’aller si loin dans la lutte ? Pourquoi défions-nous toutes les forces et toutes les limites pour qu’une cause collective soit victorieuse ? Pourquoi prenons-nous des étrangere-s comme allié-e-s et les protégeons-nous comme s’iels faisaient partie de nous, simplement parce qu’iels se sont identifié-e-s à notre cause ?
Bien que le mot Mysterión vienne de la langue grecque, qui descend d’un autre mot múien, « qui signifie la recherche pour comprendre ce qui est caché dans les choses »[1] , la mystique est la recherche d’explications et en même temps l’incitation à vivre l’inexplicable.
En langage courant, on pourrait appeler cela vivre de façon héroïque. Mais quelle est la raison qui suscite la bravoure à tel point qu’un être humain développe des actes héroïques ? En d’autres termes, nous pouvons expliquer le fait, mais nous ne pouvons pas expliquer la motivation qui a conduit quelqu’un-e à le réaliser.
Si nous cherchons des explications, nous pouvons comprendre la mystique comme la manifestation d’une énergie, de ténacité, de force et de réactions positives inexplicables d’un point de vue analytique. En d’autres termes, ce sont des réactions qui se produisent sans que nous sachions d’où elles viennent ni pourquoi elles se manifestent avec plus d’intensité chez certaines personnes et moins chez d’autres.
Pour nous, le mystère sera toujours la dimension de profondeur qu’ont les choses. Cependant, la profondeur ne s’oppose pas à la connaissance déchiffrable. Dans la vie comme dans la lutte, il y a des choses qui s’expliquent d’elles-mêmes, d’autres dont même la recherche ne peut percer les secrets.
[1]BOFF, Leonardo. Ecologie, mondialisation, spiritualité (Ecologia mundialização espiritualidade). São Paulo ; Editora Ática. 3a, ed. 2000.
2. LES DIFFÉRENTES INTERPRÉTATIONS DE LA MYSTIQUE
Il existe plusieurs façons de voir et d’expliquer l’expérience de la mystique. Pour des raisons méthodologiques, nous prendrons trois références qui traitent du même sujet avec différents concepts.
1) Le sens religieux
La mystique est souvent utilisée dans les religions, où elle est souvent associée à la spiritualité, la dévotion au sacré, la compénétration et l’adoration des forces divines qui gardent le mystère de la supériorité omnipotente. Ces forces influencent directement le comportement social et conduisent à la pratique de valeurs telles que la solidarité, la justice, la camaraderie, etc.
À travers la religion, nous pouvons déboucher sur deux visions de la mystique : celle qui se manifeste chez les mystiques, ces individus qui optent pour une relation quotidienne avec la divinité pour expliquer et résoudre les problèmes sociaux. Iels sont les représentant-e-s terrestres de cet esprit. Une autre forme est la spiritualité militante. Ces personnes-ci, par la force de la foi, s’attaquent aux problèmes sociaux et cherchent des solutions à partir les contradictions. Elles veulent l’égalité et la fraternité entre les personnes, mais cherchent à s’attaquer aux causes économiques et politiques des problèmes. Elles traversent toutes les difficultés, l’emprisonnement, la torture, et n’abandonnent jamais.
Il existe plusieurs exemples dans l’histoire de combattant-e-s qui, motivé-e-s par la foi, ont transformé la justice en une cause politique et ont donné leur vie pour atteindre ce but. Dans les luttes de milliers de paysan-ne-s, on peut voir que les croyances religieuses accompagnent la rébellion. Ce sont des valeurs culturelles qui contribuent à renforcer la lutte des classes.
2) Le sens des sciences politiques
Dans les sciences politiques, nous pouvons trouver un concept proche de ce que signifie la mystique, mais on le désigne par le terme CHARISME.
Selon cette vision, les gens agissent parce que, outre la motivation, iels possèdent des caractéristiques, des compétences et des convictions. Iels sont prêt-e-s à mourir pour défendre ce en quoi iels croient.
C’est une façon différente de percevoir cette force étrange. Le charisme a également des manifestations inexplicables et est aussi entouré de mystères. Par exemple, pourquoi certain-e-s se maintiennent fermement dans la lutte et d’autres pas ? Pourquoi certain-e-s ont des capacités naturelles, comme prendre la parole en public, et ne les utilisent pas ? Pourquoi certain-e-s militant-e-s, en entrant dans la politique institutionnelle, ne deviennent pas corrompu-e-s et d’autres si ? Pourquoi certain-e-s ont en elleux des qualités qui les amènent à être des leader-euse-s ?
Ce sont des manifestations du charisme que la science n’explique pas complètement, pourquoi certaines personnes attirent-elles plus que d’autres ? Beaucoup on la capacité d’attirer l’attention de leurs auditeur-trice-s lorsqu’iels parlent, qui ne voient alors plus le temps passer. Alors qu’écouter simplement d’autres relève déjà du sacrifice. C’est le charisme qui diffère d’un individu à l’autre, mais cela peut aussi être compris comme quelque chose d’inexplicable, issue de raisons particulières, etc.
« Les compétences ou le charisme, qui ressortent plus chez une personne que chez une autre, recèlent en elles le mystère de savoir faire naturellement, ce que les autres ne peuvent pas faire, même s’iels le souhaiteraient. »[1]
Ainsi, les différences de capacités individuelles, au lieu d’être un problème, deviennent de grandes solutions, car elles nous font trouver une place pour apporter à la lutte des classes. Cela nous aide également à réaliser que la force réside dans le collectif et que c’est seulement ensemble que nous pouvons atteindre de grands objectifs.
3) Le sens philosophique et de la valorisation culturelle
Ici, la mystique est l’existence même. Elle naît de la vie, des manières de travailler, de s’organiser, de vivre ensemble, de lutter, etc.
Chaque groupe social a ses propres manifestations culturelles ; certaines sont plus joyeuses, d’autres plus retenues, mais toutes vivent la mémoire de leurs ancêtres ; elles mettent en avant des valeurs et croient en la continuité de la vie, elles préservent donc l’environnement comme le berceau de toutes les naissances.
Les mouvements sociaux ont récupéré ce sentiment de mystique et l’ont intégré dans la pratique politique. La lutte des classes est devenue un lieu de coexistence, d’admiration et d’effort collectif. Lutter fait partie de l’existence comme le travail ou la fête. C’est pourquoi chanter à la fête d’anniversaire et chanter dans la lutte, dans les confrontations sanglantes, n’est pas contradictoire. Mettre en scène les problèmes de la vie et imaginer des solutions fait partie de la capacité mystérieuse de chaque être humain, où chacun-e fait preuve de sentiments et de compétences à sa manière.
Croire en l’avenir, c’est savoir s’allier dans le présent avec celles et ceux qui croient aux mêmes choses pour préserver cet avenir.
Dans tous les cas, la mystique est cette force chaleureuse que nous avons en nous. Tout comme le corps a besoin d’une certaine température pour rester en vie, les sentiments ont besoin de vigueur, d’énergie, pour rester chauds. Lorsque quelqu’un-e meurt, nous savons que son identité change parce que son corps se refroidit. La mystique est la chaleur dont l’esprit a besoin pour rester chaud.
[1]BOGO, Ademar. La vigueur de la mystique (O vigor da Mística) MST. São Paulo. 2000 p. 39
3. LA MYSTIQUE DANS LE MILITANTISME
Regarder une personne découragée, c’est comme vouloir jouer au football et voir que le ballon est à plat. L’air à l’intérieur de la balle est ce qui la fait rebondir lorsqu’elle est mise en mouvement. L’énergie qui se trouve dans chaque militant-e est la raison d’être de son âme. Sans énergie révolutionnaire, les puissants triomphent sans effort. Grâce à l’énergie du militantisme, les puissants ne triomphent jamais totalement, car même dans les défaites, il reste toujours une flamme pour éclairer le chemin de la grande lutte qui sera un jour victorieuse partout.
Le militantisme est plus qu’une tâche ou une position que nous assumons dans l’organisation, c’est une passion. C’est pourquoi le type d’action n’a pas d’importance, il peut s’agir d’une activité que quelqu’un-e mène dans le travail productif, d’un combat dans la guérilla, de la préparation d’un déjeuner pour la réunion de la base. Ce qui mobilise la force et la rend utile, c’est la passion que chacun-e porte en soi. Les mercenaires agissent pour l’argent et doivent donc trahir le groupe auquel ils appartiennent, mais ils périssent facilement, se découragent et abandonnent.
La passion devient conviction et plus vous le faites, plus vous avez envie de le faire. Plus on s’engage dans le combat, plus on a envie de continuer. C’est une force qui ne laisse pas de place à l’abandon.
Les personnes qui sont amoureuses ne vivent plus pour elles-mêmes, mais pour la personne dont elles sont amoureuses. Elles prennent soin d’elles, s’habillent, se préparent à rencontrer cette motivation vivante et consciente qu’elles se sont trouvées.
Le militantisme consiste à pratiquer la liberté de manière passionnée. C’est vouloir être libre, mais pas seul-e. La recherche de la liberté individuelle est une aventure qui se termine mal. Un être libre ne se réalise que s’il rencontre un autre être libre. Dans la relation, il ne peut y avoir de bonheur, si l’un-e est le-a maître et l’autre l’esclave. Si l’un-e est le-a patron-ne et l’autre l’employé-e. Si l’un-e est le-a leader-euse et l’autre le-a dirigé-e. C’est à cause de cette recherche d’égalité que le militantisme existe. Toutes les tâches et fonctions sont importantes.
Lorsque nous voyons des militant-e-s renoncer à leur vie pour servir le bien commun, nous avons affaire à des personnes d’un esprit supérieur.
4. LES SIGNES DE LA MYSTIQUE
Voyons dans le texte suivant comment la mystique se fraie un chemin à travers tous les sens.
La mystique est un sentiment qui se promène délicatement et lentement dans notre cœur. Comme si elle avait des mains, elle insuffle une énergie dans chaque pensée. Elle influence notre comportement, notre façon de marcher, de parler et de sourire ; elle est la force qui nous fait ressentir du plaisir et du regret.
La personne qui est mystique est toujours en train de grandir. Chaque jour, on se sent renaître dans les choses que l’on fait. Que ce soit à la base ou au commandement, la même énergie se manifeste, comme la joie d’une fête, en encourageant celles et ceux qui y participent.
Mais la mystique n’est pas que bonté, elle utilise parfois l’anxiété, et le corps entier ressent alors de l’angoisse. Comme la flamme d’une lampe qui consume son propre liquide, elle sollicite tous les talents et épuise les capacités. Elle met au défi les capacités à faire face à certaines difficultés, elle exige que nous soyons plus adultes face aux événements.
Parfois confondue avec la patience, elle pénètre profondément notre conscience et nous invite à attendre. Elle nous demande d’aller lentement pour ne pas tout gâcher, elle maintient l’émotion à flot et stimule les yeux jusqu’aux larmes.
Pour certain-e-s, la mystique est une simple émotion, pour d’autres, un dévouement ; tout dépend de la conviction que l’on porte vis-à-vis de la cause objective. Elle se manifeste de manière inégale, fragile quand elle est individuelle, forte quand elle est collective.
La différence réside dans la capacité à rêver. Si certain-e-s rêvent sans rien construire, il y a celleux qui construisent leurs rêves. Les deux côtés marchent ensemble et séparément, ce sont les actif-ve-s et les complaisant-e-s. Les premier-e-s rêvent en étant éveillé-e-s, et les autres rêvent en dormant.
C’est ce que font les bâtisseur-euse-s, des personnes en pleine construction, qui sentent, pleurent, vibrent et qui courent dans la même direction, même s’iels sont dispersé-e-s.
La mystique pousse celles et ceux qui cherchent. Elle ne laisse pas la place au découragement. Même lorsqu’on a épuisé toutes les pistes, elle nous encourage à essayer encore une fois. Même lorsque nous abandonnons, elle apparaît et, comme une fleur qui s’ouvre, nous apporte un sentiment d’honneur. Avec toute son énergie, elle nous dit que tout vaut la peine.
Le doute pendant la marche est naturel. La mystique nous fait croire qu’il existe un autre endroit au-delà de celui que nous pouvons voir.
Mais attention, la mystique peut aussi mourir, il suffit de cesser de croire, d’aimer et de vouloir.
Elle vit en nous tant qu’il y a de la volonté et de la curiosité, comme pour voir la naissance d’un monde nouveau. Elle nous donne l’impression que le temps passe lentement lorsque nous sommes pressé-e-s, ou trop vite lorsque la conversation est bonne. Vouloir rester et partir en même temps ; être proches et soudainement éloigné-e-s, en restant toujours fidèle à la nostalgie submergée[1].
La mystique n’est pas un théâtre, c’est une attitude ! Elle conserve l’énergie de la jeunesse, même lorsque nous vieillissons de l’extérieur. C’est comme le temps qui va au-delà des heures et ignore la logique des aiguilles. C’est la raison qui fait de nous les héritiers et les héritières de rêveur-se-s qui ne sont jamais tout à fait partis, car iels restent à nos côtés.
Sans mystique, on peut marcher, faire des pas, mais ne jamais ressentir le plaisir d’une forte étreinte ; parce qu’il est certain, réel et vrai que pour marcher seul, il suffit de deux jambes, pour lutter et aimer, il faut disposer d’un corps tout entier.
En bref, la mystique est une force essentielle qui nous aide dans la pratique politique à garantir la direction et l’unité. Mais il ne sert à rien de vouloir le socialisme si nous ne cultivons pas la camaraderie, la joie et l’affection.[2]
[1]NdT : Passage évasif: Texte original : Vive em nós enquanto há ânimo e curiosidade, como para ver nascimento. Faz-nos sentir que o tempo passa lento quando temos pressa, ou rápido demais quando está boa a conversa. Querer ficar e ir ao mesmo instante; estar próximos e em seguida bem distantes, mantendo sempre a lealdade na saudade submersa.
[2]BOGO, Ademar. Lettres d’amour.
NdT : l’ensemble de ce point 4 est une citation.
5. L'ENGAGEMENT DE LA MYSTIQUE
L’être humain, au-delà de ses caractéristiques, est très passionné. Et parce qu’il est passionné, il est un être qui souffre et se sacrifie consciemment pour changer le cours des choses. En effet, l’être humain est doté d’une capacité supérieure à celle des animaux. L’imagination est pour lui une force spéciale qui le fait avancer.
« Ce qui distingue le pire architecte de la meilleure abeille, c’est qu’il parvient à concevoir sa construction dans son esprit avant de la réaliser »[1] . Nous pouvons immédiatement conclure que :
a) Les êtres humains peuvent prévoir ce qu’ils vont produire.
b) Faire, c’est d’abord se projeter mentalement, et de façon responsable dans l’objectif que l’on se propose de construire.
c) Des imaginations différentes mènent à des actions différentes, il est donc important de respecter les principes et les programmes.
d) Parmi les êtres humains, les actes sont différents parce que les motivations et les intérêts sont différents.
Cela nous indique que, dans la lutte des classes, les compétences individuelles peuvent être différentes, mais les intérêts et les objectifs doivent être uniques pour que la lutte contre les ennemis soit victorieuse.
C’est pourquoi nous disons que les motivations doivent être orientées vers une cause. Mais les motivations peuvent être différentes, cela dépend du projet et des personnes qui le mènent. Voyons :
1 – Motivations conditionnelles
Ce qui conditionne le comportement social, c’est la structure de la société elle-même. Chaque jour, nous sommes mus par une force étrange qui nous est extérieure, que Marx a appelé FETICHE. Ce n’est rien d’autre que la personnification des marchandises ou la chosification des personnes, qui sont « ensorcelées » ou qui ont peur des marchandises ou des institutions.
Vous êtes-vous déjà demandé-e pourquoi nous considérons et nous nous soumettons aux institutions de l’État comme si elles avaient par elles-mêmes une force de contrôle ? Par exemple : que ressentons-nous lorsque nous passons devant un poste de police, une église, une école, un hôpital, un cimetière, un marché, une propriété agricole ?
De façon intentionnelle, ces motivations sont déjà orientées pour être ainsi dans chaque être social, et ce parce que :
a – On pense à partir de ce qui a été pensé. Les structures ont déjà été pensées pour être ainsi. Il nous appartient, selon les institutions de l’ordre, de les respecter tels qu’elles sont.
b – C’est principalement la force du capital qui détermine qui nous sommes et comment nous devons agir. C’est par elle que s’établit la division sociale du travail, donnant des noms et des professions aux différents emplois. Ainsi, quelqu’un-e peut être José, mais il est connu, en raison de son métier, en tant que maçon. La fonction sociale nous conditionne à penser et à être pour ce que nous faisons ; ainsi l’éboueur-euse « ne pense pas ». Un-e enseignant-e ne transporte pas les ordures et ne balaie pas la rue.
c – Les fonctions sociales sont guidées par la morale sociale et conduisent à certains comportements sociaux qui renforcent le machisme, les préjugés, le centralisme, etc.
2 – Motivations pour le changement
Les motivations pour le changement social se nourrissent de l’esprit critique que nous avons. L’esprit critique devient à son tour une conscience – politique, NdT- au fur et à mesure que nous élaborons le projet.
Il y a des moments où les causes perdent leur sens parce que notre conscience stagne. Nous cessons d’ajouter du contenu et les contradictions se mettent à disparaître des analyses.
La mystique a besoin de cause et de conscience. Sans elles, il n’y a pas d’engagements. Il n’y a aucune raison de se battre. Il n’y a pas de permanence du projet. Il n’y a pas de persistance dans les pratiques. Il n’y a pas non plus de cohérence dans le comportement.
Motiver, c’est enflammer les consciences avec le feu de la révolution. C’est insuffler de la vigueur dans les actions pour qu’elles soient plus grandes que leur propre force.
Chaque moment doit être motivé. L’histoire de l’humanité est faite de sauts quantitatifs et qualitatifs. Parfois, ces sauts mettent des siècles à se produire. Mais personne ne se bat en vain. Les forces révolutionnaires ont la fonction historique de semer des graines. Les récoltes peuvent être faites par les générations qui suivent. Le cycle de la vie individuelle est trop court pour vouloir à la fois planter et récolter les révolutions. Lorsque ces événements se produisent, il est certain qu’ils ont été initiés par les générations précédentes.
La motivation est la volonté de vivre un autre moment que celui que nous sommes en train de vivre. Vivre au-delà de soi-même. Vivre à une autre époque. Nous voulons toujours faire partie de l’avenir, même s’il semble si lointain. Lorsque le temps tarde à apporter des réalisations, la seule façon pour nous de faire partie de l’avenir est de bien faire dans le présent, afin que les générations qui vivront ici regrettent le passé dans lequel nous avons vécu.
En conclusion, nous pouvons dire que la mystique est un espoir. Malgré les contradictions, quelque chose ressemblera à ce que nous imaginons dans le futur.
Celles et ceux qui luttent laissent l’empreinte de leurs désirs non réalisés pour les générations à venir. En ce sens, l’espoir est plus qu’un sentiment, c’est une cause à construire. Chaque groupe, chaque classe, chaque peuple, à sa manière, à chaque époque, fait sa part. Le rôle qui nous incombe est de vivre et de faire dans ce temps ce qui assurera des conditions de vie aux générations futures. Nous vivons à leur service. Qu’elles n’aient pas honte de nous, mais qu’au contraire, elles exaltent dans l’avenir, avec joie, les générations passées qui ont préparé avec amour le lieu où leurs descendant-e-s devront vivre.
[1]MARX, Karl. Le capital. São Paulo : Bertrand Brésil. 15Ème édition. 1996. pg 202
C'est l'heure de la récolte
Ademar Bogo
Il y a des moments dans l’histoire
où toutes les victoires
semblent nous échapper.
Mais vainc celui qui ne se décourage pas
et cherche dans son amour-propre
la force de persévérer.
Le temps passe lentement, mais passe également
avec lui la gloire de l’empereur
celui qui a les mains pour construire
devra se lever et décider
du jour pour enterrer la douleur.
Et surgir partout
pour dire qu’il est temps de récolter
tout ce qui a été planté.
Les gens sont comme l’eau de mer,
même s’ils bougent lentement,
cela se voit dans leur balancement.
qu’ils n’ont jamais plié.
Nous arrosons le désert de la conscience
et un nouvel être est né.
il est temps d’aller de l’avant camarade
tu es le guérillero que l’histoire nous a donnés
Nous arrosons le désert de la conscience
et un nouvel être est né.
il est temps d’aller de l’avant camarade
tu es la guérillera que l’histoire nous a donnée.
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