Chapitre 11 Le rôle de la formation dans le travail de base
Mise en page : Secrétariat National MST
Commandes : Secrétariat national – secteur de la formation secgeral@mst.org.br
1ère édition – octobre 2009
Traduction finalisée en français en février 2023
par A l i c e G r i n a n d et Y a n n L e B o u l a i r e
Texte d’Ademar Bogo, écrit en novembre 2001 à l’occasion de la réunion du collectif national de formation à Aracaju, Sergipe.
Le travail de base prend place dans l’organisation et la formation de la conscience des militant-e-s et des masses. À son tour, la formation (“forme de l’action“) est ce qui donne sa forme et sa cohérence au travail de base.
La base fait partie de la structure qui soutient l’organisation, c’est elle qui accumule la force et transmet la conscience du changement. C’est cette base que le leadership vient compléter.
Le fleuve est un bon exemple pour démontrer cette relation. L’eau seule ne fait pas la rivière, elle a besoin du lit et des berges pour soutenir et canaliser l’énergie de cette grande quantité de « masse » qu’est l’eau. L’eau en mouvement, à son tour, est chargée de relier le proche et le lointain, le passé et le futur, à la recherche de son propre destin.
De la même manière que les inondations emportent tout sur leur passage et font des changements inattendus, ce sont les masses en mouvement qui font les transformations sociales et politiques.
La rivière parfaite est celle qui a de l’eau courante, un lit et des berges solides qui ne se déforment pas avec le passage des eaux ; sinon elle cesse d’être une rivière et devient un marais, laissant l’eau s’échapper partout.
Par conséquent, les eaux du fleuve, même s’il s’agit d’une masse « inconsciente », ont une cause. Leur objectif est d’atteindre la mer. Elles nourrissent leur intention par la force de la vitesse des eaux.
Cette trajectoire ne sera possible que s’il existe une combinaison intime d’efforts entre les berges et l’eau ; entre la base et la masse. Si la fonction de l’eau est de porter la cause jusqu’à atteindre la mer, la fonction des berges et du lit est de diriger et de soutenir le poids de la responsabilité de cette cause, en empêchant les eaux de se disperser et de dévier de leur destination. C’est pour cela que les berges et le lit ont la même importance que les eaux pour former un fleuve. Sans les berges, il n’y a pas de rivière, bien qu’il y ait d’énormes quantités d’eau. Là où il y a beaucoup d’eau mais où les berges sont fragiles, elle se disperse et la rivière perd sa forme et son identité.
Il est important de comprendre que la masse comme les eaux de la rivière sont toujours visibles, on peut voir son volume et sa beauté. La base comme les rives du fleuve, apparaissent en partie, mais tout le monde sait qu’elles sont là, car le fleuve a une forme, tout comme l’organisation. Lorsque les eaux se retirent trop bas, pour une raison quelconque, les berges apparaissent, deviennent inactives et sèchent au soleil. Elles perdent leur fonction, car il leur manque de l’eau à conduire. Les mauvaises herbes poussent sur elles ou elles se désagrègent tout simplement, en perdant leur raison d’être.
Les eaux perdent leur force lorsque les berges prennent leur place, c’est ce qu’on appelle « l’envasement », qui est causé par l’érosion. Puis les eaux disparaissent, et la rivière perd sa force, se transforme en sable. C’est un signe que dans une organisation, la base ne peut pas prendre la place des masses. Lorsque la base est trop visible, c’est parce que les masses partent et qu’un « ensablement » politique se produit, l’organisation perd sa force.
Les berges et le lit de la rivière guident, stimulent et encouragent les eaux à s’écouler plus rapidement dans les cascades, elles organisent leur repos dans les remous.
Mais il y a un détail mystérieux dans cette relation, car ce sont les eaux en mouvement qui font les berges, érodant les berges quand elles ont besoin de plus d’espace et cherchant les déclivités quand elles veulent aller plus vite. Si les eaux ne se déplacent pas pour arracher la terre et, avec leur force, faire les berges, celles-ci ne seront jamais formées. Dans cette relation, une partie façonne l’autre et le résultat de cet effort combiné est le fleuve actif et victorieux. Il y a des endroits où la rivière reste plus étroite, et c’est l’égoïsme des berges qui comprime les eaux et les prive de leur liberté.
Dans le travail de base, en même temps que la base organise, stimule et façonne le mouvement de masse, elle se façonne elle-même. Les masses, parce qu’elles ont une conscience moins développée, voient les choses avec simplicité. Elles trouvent des réponses immédiates à tout, comme les eaux qui cherchent les pentes, sans savoir que parfois elles devront faire de grands détours pour avancer de quelques mètres. Mais le secret réside dans le fait qu’elles font de nombreux détours, mais n’acceptent jamais de faire demi-tour.
C’est cette relation que nous allons essayer de comprendre afin d’orienter le rôle de la formation de la conscience dans le travail de base.
1. LA FORMATION DE LA CONSCIENCE
L’objectif principal de la formation politique idéologique est d’élever le niveau de conscience des personnes qui sont liées les unes aux autres par des intentions communes, qui deviennent une cause politique stratégique.
Avant d’entrer dans une organisation, l’être social à sa conscience formée par les relations sociales déjà établies. Si des relations sociales se sont également tissées à travers la pratique politique, la conscience aura un développement basé sur ces relations. Si l’être social a noué des relations sociales établies et orientées par les besoins immédiats, sa conscience se développera par le biais des choses médiatisées.
Le monde de l’analyse stratégique est différent de celui de l’analyse des besoins immédiats. Alors que la première enquête sur les causes des problèmes, la seconde s’intéresse à leurs conséquences.
La formation qui permet de faire des analyses profondes de la réalité élève la conscience à un niveau supérieur. La vision restreinte à l’immédiat maintient la conscience à un niveau inférieur.
Les deux niveaux sont présents lorsque la lutte des classes est portée par un mouvement de masse. Un mouvement de masse ne peut pas être composé de cadres, ou seulement de personnes conscientes, car les masses ont par nature une conscience limitée, développée jusqu’au niveau inférieur, avec des aperçus d’une conscience de niveau supérieur atteinte par les militant-e-s qui se sont aussi consacré-e-s à l’étude.
C’est en raison de cette vision qu’il est nécessaire de comprendre l’idée d’Ernesto Che Guevara, qui appelle les cadres la « colonne vertébrale » de l’organisation. Selon la proportion de masse que possède le corps, il doit y avoir une structure résistante sous forme de colonne vertébrale pour pouvoir le déplacer. Au sein du mouvement de masse, il est nécessaire d’avoir une structure qui garantisse son soutien, structure que nous appellerons l’organisation de masse. L’organisation de masse est l’agglutination des militant-e-s qui lui servent de base, ou de colonne vertébrale.
La fonction de la conscience à son niveau supérieur est de formuler des revendications de grande envergure et de mettre en œuvre des forces pour les réaliser. La conscience, à son niveau inférieur, conduit à des revendications à court terme.
Le rôle de la formation est de plonger dans le niveau de conscience inférieur des masses et, à partir de là, de l’élever au niveau supérieur par des formes de conscience qui sont liées à des thèmes ou à des domaines du savoir et de la pratique.
Les formes de conscience sont multiples et ne s’épuisent jamais. Plus la conscience des gens évolue, plus ils ressentent la nécessité de savoir. La connaissance est la nourriture du niveau supérieur de la conscience.
La malformation du niveau supérieur de conscience se situe dans le développement disproportionné des formes de conscience. Par exemple, un-e militant-e politique, qui constitue la base de l’organisation, avec une grande capacité d’analyse du capitalisme et de l’impérialisme, comprend la relation d’exploitation entre les classes et se bat avec acharnement pour obtenir de nouvelles conquêtes, mais est très indiscipliné-e. Cela signifie que sa conscience dans sa forme politique est bien développée, mais qu’on ne peut pas en dire autant de sa conscience dans sa forme disciplinaire. Il en va de même pour un-e travailleur-euse du Mouvement des Sans Terre qui donne sa propre vie pour défendre celle de sa famille, mais qui, dans son champ, jette du poison, tuant des milliers de vies dans le sol. C’est un signe que sa conscience écologique est sous-développée.
C’est dans les formes de conscience sous-développées que se trouvent les défauts et les errements que la formation, en tant qu’action politique et réflexive, doit chercher à comprendre afin d’aider le-a militant-e à se comprendre ellui-même et à faire un travail sur ellui-même pour les éliminer. Cette découverte doit nous amener à prendre du recul par rapport aux plans de formation afin qu’ils ne deviennent pas des « dogmes ». Le même contenu et les mêmes méthodes ne sont pas toujours utiles pour des classes différentes. Il est nécessaire de découvrir les thèmes qui sont importants à ce moment-là, pour développer les formes de conscience qui sont nécessaires pour faire avancer l’organisation.
Une question nous intrigue. Pourquoi les gens trouvent-ils difficile d’organiser la coopération dans les exploitations agricoles, s’il est si facile de l’organiser dans l’industrie ?
La coopération en agriculture est différente de la coopération en industrie, car les moyens qui motivent leur organisation sont différents. Dans l’industrie, le moyen est le salaire et non le produit, de sorte que le-a travailleur-euse se différencie facilement du produit qu’iel fabrique. Dans l’agriculture c’est différent, le travailleur est payé en fonction de la quantité de produit ou de l’équivalent d’une partie de la production, le produit est lié à saon producteur-trice qui peut, selon le niveau de coopération, le produire seul-e. Par conséquent, le même produit peut être fabriqué individuellement et commercialisé séparément. La coopération en agriculture ne dépend donc pas seulement de l’incitation matérielle, mais aussi de l’élévation de la forme de conscience correspondant à la coopération. La conscience et la structure qui sont mise en place pour développer la coopération sont deux éléments qui définissent si elle aura une longue vie ou non.
Pour que les masses adoptent la coopération, les cadres doivent l’avoir inscrite dans leur conscience. Les masses, par la confiance, se rallient au-à la militant-e avant de se rallier à la coopération. La formation implique de savoir quels sont les défis du mouvement de masse afin d’agir pour le développement des consciences.
Les relations sociales font partie du travail de base. Par relations sociales, nous entendons l’ensemble des besoins matériels et spirituels d’un être humain. Un travail de base efficace est celui qui permet à l’individu de se sentir bien dans les relations qu’iel établit dans la collectivité. L’individu doit sentir qu’il est dans un processus de reconstruction et qu’il dépend des mains des autres pour réaliser cet ouvrage en lui-même. Par conséquent, se former, c’est comme cultiver. La formation ne peut donc pas être confondue avec de simples cours. Les moments de convivialité dans les cours doivent être aussi proches que possible de la réalité d’où viennent les militant-e-s et à laquelle iels doivent retourner, sinon c’est comme remplacer la science par la fiction. C’est pourquoi les cours sont l’organisation, la théorie, le travail et la convivialité. Sinon, le principe de la pratique-théorie-pratique ne sera jamais compris. Une bonne formation dépend de la préparation et de la compréhension des formateur-trice-s. Outre la compréhension des contenus philosophiques, historiques, politiques et idéologiques, de la mystique, de l’éthique, des valeurs, etc., iels doivent comprendre la sensibilité et faire preuve d’une grande générosité envers celles et ceux qui ignorent parce qu’iels n’ont pas les connaissances.
L’ignorance est une épidémie qui prolifère rapidement à notre époque, mais même ainsi les ignorant-e-s méritent le respect et l’attention, car les êtres politiques de la révolution seront extraits de ce matériau brisé par les influences culturelles de l’empire.
Le-a formateur-trice est un être hautement qualifié pour diriger l’organisation. Iel a le pouvoir d’unifier ou de diviser ; de structurer ou de désorganiser ; de comprendre ou de compliquer. Iel forme la conscience de la base qui soutient l’organisation, en peignant les idées dans la couleur qui leur semble la plus agréable. Si la formation ne provoque aucune réaction, c’est qu’elle est mal développée et déconnectée de la vie et des besoins. Elle n’a pas encore découvert les défis de l’organisation et n’a pas entrepris de les résoudre.
Les personnes qui se consacrent exclusivement à cette tâche doivent jouir d’une grande confiance et d’une grande estime de la part de l’organisation. C’est comme le-a jardinier-e qui a la liberté de tailler correctement les branches pour donner de la force à l’arbre, ou de tailler le tronc, lui enlevant toute sa force, sa beauté et son identité.
2. QUEL EST ALORS LE RÔLE DE LA FORMATION ?
Dans le travail de fond, pour revenir à notre métaphore initiale, la première chose à faire est de vérifier la quantité d’eau et la taille du lit, afin de savoir où placer les berges qui transporteront l’eau qui formera la rivière.
La base n’est pas constituée uniquement lorsque nous élisons les membres des organes (coordination et direction statutaires). Si c’était le cas, l’organisation serait une véritable bureaucratie en décomposition. Ni la force ni la puissance ne sont dans les instances, elles n’ont que la tâche de représenter l’organisation. La force [de l’organisation] réside dans la BASE et la quantité de MASSE qu’elle a organisées. Cette force est complétée par la justesse des tactiques qu’elle développe et la stratégie qu’elle poursuit. Cette force se nourrit de la mystique et de la motivation interne et externe à vivre pour la cause. Elle est protégée par l’acceptation et la légèreté esthétique qui lie les personnes et les implique par la beauté, la joie et la satisfaction.
La force et le pouvoir du MST sont dans les secteurs et les sections qui sculptent la masse pour instaurer en nombre suffisant les coordinateur-trice-s et les représentant-e-s des secteurs, qui sont la base. Les familles sont l’eau, les coordinateur-trice-s de noyau sont les rives qui assurent sa cohérence si la formation élève leur niveau de conscience, sinon l’eau se disperse et le mouvement cesse d’être un fleuve pour devenir un lac.
Nous pouvons avoir des instances bien mises en place et fonctionnant parfaitement, mais si ces instances ne deviennent pas liées à la base avec les masses, elles ne seront qu’une bureaucratie efficace. C’est pourquoi la « formation » n’est pas un secteur ou une structure. Il s’agit d’une décision politique et d’une pratique organisationnelle qui vise à élever le niveau de conscience, en développant les formes que l’organisation juge adaptées.
Les dirigeant-e-s doivent être des formateur-trice-s de conscience, car il est toujours plus productif de diriger un groupe de travailleur-euse-s éclairé-e-s qu’un groupe d’ignorant-e-s. Les personnes éclairé-e-s décident (quand les occasions l’exigent) par elleux-mêmes, les ignorant-e-s dépendent des ordres. Celleux qui ont la vocation de commander aiment être entourés d’ignorant-e-s ; celleux qui aiment coordonner s’intéressent et s’investissent dans l’éveil de la conscience de nombreu-se-s militant-e-s afin qu’iels mobilisent et organisent les masses.
Le-a militant-e est le facteur qui détermine la qualité d’une organisation de masse. Il ne suffit pas d’avoir des masses, il faut avoir une base d’au moins dix contre un [militant-e, NdT]. Ce qui n’est pas beaucoup. Nous pourrions établir que pour les 500.000 familles présentes sur des occupations de terrain réalisées sous l’égide du MST, nous devrions avoir 50.000 militant-e-s hautement qualifié-e-s ; cela donnerait un-e seul-e militant-e pour chaque noyau de 10 familles. À l’avenir, nous devrions avoir un-e militant-e pour 10 personnes, c’est-à-dire que pour 2,5 millions de personnes, 250 000 militant-e-s constitueraient la base de soutien du MST, et cette proportion serait maintenue au fur et à mesure que l’organisation grandirait.
Le programme de formation vise à former 23 000 militant-e-s à court terme et à les intégrer aux tâches de coordination des sections. C’est la tâche que doivent accomplir les 460 formateur-trice-s et organisateur-trice-s que notre ligne politique a mis en place.
Il convient de préciser certaines choses à propos de cette activité. À plusieurs endroits, des doutes sont émis sur ce programme. Nous ne savons pas si c’est en raison de difficultés de compréhension ou si c’est par crainte que le programme établisse une philosophie du travail organisationnel différente de celle qui a été développée jusqu’à présent.
Lorsque nous parlons de « révolution culturelle », nous entendons par là que la culture est tout ce que nous faisons dans n’importe quel domaine de l’activité humaine, que ce soit dans la production, l’éducation ou la pratique politique. L’une des premières choses que nous devons faire est donc une révolution des idées. Il n’y a pas qu’une seule façon de faire les choses. Surtout quand l’ennemi attaque en observant les intentions plus que les actions que nous développons. Ce n’est donc pas parce que jusqu’à présent nous avons eu un style de travail avec les masses et avec la base que cela nous suffit pour affronter les prochains défis.
Le moment politique dans lequel nous vivons a changé de nature et la nature de notre organisation doit donc changer rapidement si nous voulons laisser une trace dans l’histoire et être remémoré-e-s par nos descendant-e-s. C’est le rôle de la formation à l’heure actuelle : comprendre et mettre en œuvre les changements.
Il s’agit d’aider à comprendre les changements et de pouvoir intervenir dessus de façon adéquate. C’est pourquoi la formation doit :
a) Contribuer à la réalisation des objectifs politiques fixés par le mouvement
b) Contribuer à la planification des activités visant à préparer la pratique
c) Anticiper par la réflexion les conséquences et les résultats politiques que nous voulons obtenir.
d) Élaborer et développer des méthodes de travail qui tiennent compte de la réalité, des valeurs et de la pensée socialiste.
e) Développer la mystique autour de la grande cause pour laquelle nous nous battons.
Qui doit le faire ?
Toute-s celleux qui croient en la possibilité d’avancer sur la voie de la transformation sociale. Celleux qui croient en d’autres possibilités ne méritent ni respect ni attention, car iels présenteront des alternatives qui sèment la confusion dans les consciences, et les consciences confuses développent des pratiques confuses. Les formes de lutte et de débats qui retardent le développement de la conscience doivent être considérées comme néfastes.
3. LA LIGNE POLITIQUE DE LA FORMATION DANS SON NOUVEAU CONTENU
La ligne politique qui guide le processus de formation vise à préparer la base du MST par des activités de masse et de groupe. C’est à partir des masses que l’on extrait la base. Dans les mobilisations, il est donc nécessaire d’être attentif-ve-s aux militant-e-s qui se démarquent afin de les aider à grandir. En regroupant les masses, il est plus facile de comprendre leurs désirs et de leur transmettre les grands objectifs que nous voulons atteindre. Il y a deux façons de regrouper les masses : en assemblées et en réunions. Les assemblées ont guidé le style de travail jusqu’à présent. C’est maintenant au tour des cellules pour qu’en plus de la coexistence en groupes plus petits, la base soit multipliée par les tâches de coordination, que ce soit de la cellule, des secteurs ou de toute autre représentation.
Ce changement de vision modifie à la fois la pratique et les résultats. Si dans l’assemblée le rapport entre la base et les masses est de 1 à 100 (un-e militant-e pour cent personnes), dans la réunion, ce pourcentage s’abaisse à 1 à 10.
Il est toutefois fondamental d’être clair sur la théorie à adopter comme référence pour la formation correcte de la conscience. Le matérialisme dans tous ses aspects continue d’être la philosophie de la classe ouvrière afin de pouvoir transformer la société.
Les revers subis par l’expression négative des expériences socialistes en Europe de l’Est ne doivent pas nous décourager d’étudier et de défendre la véritable science de l’histoire et de la développer davantage. Certainement dans le futur, les philosophes ajouteront comme partie intégrante de la science matérialiste la théorie de la mystique du MST, preuve que cette théorie se développe.[1].
Le moment est encore plus confus, car des débats et des guerres idéologiques sont menées par l’empire nord-américain et par la philosophie religieuse de l’Islam. La pensée socialiste fondée sur le matérialisme y est étrangère. C’est précisément l’élément qui nous incite à la prudence.
Les religions ne remplaceront jamais les sciences, et pour cela ne remplaceront pas non plus les organisations politiques. L’islamisme a occupé l’espace vide laissé par le socialisme, car, en vertu des lois des contradictions, les choses ont toujours deux côtés. Avec la chute de la puissance de guerre qu’était l’URSS, il devait y avoir un autre côté de la contestation, et ce côté a été rempli par la philosophie religieuse de l’islamisme.
Nous devons espérer que l’Islam affrontera l’impérialisme américain et lui fera de plus en plus peur, mais nous devons comprendre que l’Islam ne sera jamais un nouveau mode de production pour l’humanité et qu’il ne vaincra pas le capitalisme. Le socialisme et le communisme restent les références philosophiques pour vaincre le capitalisme et cela se fera par la lutte et la conscience.
Ce que nous avons fait jusqu’à présent est donc. Malgré les erreurs, nous sommes devenues un mouvement connu et admiré dans le monde entier. « Mais les circonstances font les hommes comme les hommes font les circonstances ». Ils ont changé, nous devons donc changer les hommes et les femmes pour nous y adapter.
La plus grande crainte que doivent avoir les dirigeant-e-s d’une organisation est d’être dépassés par l’histoire. Comme les inondations, les organisations sont projetées hors de l’histoire par la force des circonstances. Cellui qui reste près des rives de l’histoire s’illusionne en pensant qu’iel en fait encore partie ; cellui qui est rejeté-e se dessèche et disparaît.
Pour finir, gardons cette pensée de Confucius : « Si un homme ne pense pas à ce qui est loin, il trouvera la tristesse tout près de lui ». Nous sommes des enfants de la joie et nous croyons en l’avenir, donc nous ne devons pas craindre les changements, ils font partie des victoires.
Le « conservatisme » appartient aux perdant-e-s. Les changements appartiennent aux personnes dynamiques. Comme les eaux des fleuves, nous sommes né-e-s pour atteindre la mer d’un temps nouveau dans un monde joyeux, libre et solidaire : le socialisme.
[1] NdT : l’auteur semble supposer par cette phrase que la théorie du MST sera considérée comme faisant partie de la doctrine matérialiste dans le futur, et le considère comme une preuve dès maintenant.
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