Derrière l’expression «community organizing» se cache une pratique politique très ancienne.
Au début du XXème siècle, “s’organiser” signifiait avant tout se réunir, s’allier, s’équiper et monter en puissance avant de se lancer dans la lutte.
Mais avec le temps (et l’oubli progressif des méthodes d’organisation collective), c’est tout un vocabulaire militant qui a été récupéré et/ou oublié, jusqu’à ce que même l’expression “s’organiser” perde son sens politique.
Le premier pas vers un changement de stratégie militante, c’est donc de se réapproprier le vocabulaire de l’organisation collective. C’est pourquoi nous vous proposons ici un petit abécédaire, qui a pour vocation de recenser et de définir, de façon claire et précise , tous les concepts-clés qui font la force du community organizing.
A comme…
Action collective
B comme…
Base
C comme…
Communauté
Une communauté est un groupe d’individus unis par une identité, des valeurs ou un objectif commun. Quand on parle d’organisation communautaire, le terme de communauté fait référence avant tout au lien de solidarité qui se construit autour de ce que l’on partage. On peut ainsi parler de « communauté de lutte » pour désigner celleux qui font le choix de s’allier pour militer ensemble.
→ Pour illustrer ce que peut être une communauté de lutte en ligne.
D comme…
Démocratie
E comme…
Engagement
L’engagement est l’élan profond qui motive les individus et les incite à consacrer leur temps et leur énergie à une cause donnée. Ainsi, le pouvoir d’une communauté de lutte repose directement sur l’engagement mutuel de ses membres, c’est-à-dire sur la solidarité qu’elles/ils éprouvent les un·es envers les autres. Le community organizing a donc pour objectif de faire émerger puis perdurer l’engagement collectif au sein d’un groupe.
→ Pour découvrir un exemple concret de dynamique d’engagement collectif sur près d’une décennie.
F comme…
Formation politique
G comme…
Gouvernance partagée
H comme…
Humilité
Trop souvent les efforts d’organisation échouent sous la pression des conflits d’égo. Face à ce problème récurrent, l’humilité s’impose comme une vertu cardinale qu’il nous faut cultiver pour mieux lutter ensemble. Il ne s’agit surtout pas de renoncer à nos valeurs ou nos opinions, mais plutôt de reconnaître nos propres limites, ainsi que l’impérieuse nécessité de s’appuyer sur les autres pour pouvoir avancer sereinement.
→ Pour replacer la joie et l’humilité au cœur de nos pratiques militantes.
I comme…
Intérêt
L’intérêt, c’est l’attention que chacun·e porte à ce qui a de la valeur pour elle/lui. Il s’agit donc d’un ingrédient essentiel dans la dynamique de l’engagement. C’est pourquoi, plutôt que d’opposer les préoccupations quotidiennes des individus (souvent jugées égoïstes) à l’expression d’un intérêt général (présenté comme altruiste), il peut être fructueux de chercher de nouvelles façons d’articuler ces deux notions.
→ Pour approfondir l’idée d’un équilibre entre intérêt particulier et intérêt général.
J comme…
Justice
La justice, en tant qu’idéal moral, est l’horizon de l’organisation collective. L’engagement militant doit être tout entier conditionné par ce principe, sans quoi la quête de pouvoir peut devenir un but en soi... Comme le dit Pascal, « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. »
→ Pour analyser ce que devient un effort d’organisation collective sans ancrage éthique.
K comme…
Kaïros
En grec ancien, le kaïros désignait l’instant propice, l’opportunité à saisir ou encore le moment idéal. Les artistes de l’Antiquité représentaient cette idée en dépeignant un jeune homme en pleine course, et qu’une main viendrait agripper, in extremis, par les cheveux. Pour les militant·es d’aujourd’hui, cette notion permet de repérer (ou de provoquer) les évènements pendant lesquels elles/ils bénéficient d’un effet de souffle et peuvent monter en puissance sans s’épuiser.
→ Pour découvrir de nombreux exemples de ce que Saul Alinsky appelait « le ju jitsu de masse ».
L comme…
Leadership
Le leadership désigne la capacité d’une personne à susciter l’enthousiasme et l’engagement de ses pair·es. Malheureusement complètement dénaturé par son usage dans le monde de l’entreprise et du management, ce terme est souvent rejeté par les militant·es. Il est néanmoins important de mettre un mot sur cette qualité humaine, car celle-ci est indispensable pour faire grandir une communauté de lutte.
→ Pour découvrir un exemple concret de formation d’un leadership collectif.
M comme…
Mobiliser
Mobiliser, c’est être en capacité de rassembler, autour d’une même action collective, un grand nombre d’individus. La mobilisation n’est pas seulement une démonstration de force à l’égard d’une cible, c’est aussi un test de structure par lequel les militants prennent conscience de leur propre pouvoir. Mobiliser n’est donc pas un acte anodin ou spontané qu’il suffirait de déléguer aux réseaux sociaux : il s’agit d’un effort constant qui doit être à la fois planifié, discipliné et évalué.
→ Pour en savoir plus sur les conditions d’une mobilisation efficace.
N comme…
Négociation
O comme…
Organisateur·ices
Les organisateur·ices ont pour fonction de structurer une communauté de lutte pour la faire monter en puissance. On peut distinguer les organisateur·ices premier·es concerné·es (qui structurent la communauté de l’intérieur) et les organisateur·ices allié·es (qui apportent leur expertise de l’extérieur). Les organisateur·ices ne sont ni des meneur·ses ni des porte-paroles. Elles/Ils ne font qu’accomplir une mission parmi d’autres, en rendant des comptes démocratiquement à la base du mouvement.
→ Pour découvrir le rôle de l’organisateur, aujourd’hui largement méconnu en France.
P comme…
Puissance et pouvoir
Par puissance on désigne la capacité à agir dont dispose chacun·e. Lorsqu’ils combinent leurs puissances, les individus font émerger un pouvoir, qui est l’expression formelle de leurs forces rassemblées. Très souvent, ce pouvoir est déposé dans les mains d’une seule personne, on parle de pouvoir positionnel. Mais quand ce pouvoir reste aux mains de la multitude et s’exprime sous forme de solidarité collective, alors on parle de pouvoir relationnel.
Q comme…
Quartiers
R comme…
Récits
Les récits sont les actes de narration par lesquels nous partageons des repères qui nous rapprochent. Ce sont d’une part les récits de vie, grâce auxquels chacun·e relate les éléments-clés de son parcours d’engagement. Et ce sont d’autre part les récits de lutte, qui regorgent de savoir militant et de figures inspirantes. Dans la structuration d’un groupe, il est important que ses membres s’approprient leur histoire personnelle et collective, la mettent en récit puis la partagent.
→ Pour faire un premier pas dans le monde des récits de lutte.
S comme…
Structure
T comme…
Théorie du changement
U comme…
Unité
V comme…
(Petites) victoires
Plutôt que de se donner des objectifs inatteignables, ou de planifier des actions spectaculaires mais perdues d’avance, il est souvent préférable pour les militant·es de cultiver les petites victoires. Car ce qui importe le plus, pour une communauté de lutte, c’est de changer les choses. Dès lors, plutôt que de considérer la victoire comme une possibilité lointaine, il est plus stratégique de l’envisager comme une série de petites étapes réalisables.
→ Pour découvrir comment une petite victoire a pu changer la législation d’un pays.